Projet de loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de le République
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PROJET DE LOI D’ORIENTATION ET
DE PROGRAMMATION POUR LA REFONDATION DE L’ÉCOLE DE LA RÉPUBLIQUE
Intervention de F. Laborde dans la discussion générale – Sénat - 21 mai 2013
Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, Mes chers collègues,
Le constat est sans appel : l’école est devenue, dans notre pays, le lieu de la
reproduction des inégalités sociales, si bien que la France figure parmi les pays de
l’OCDE où le lien entre les origines sociales et culturelles des parents et les résultats de
leurs enfants est le plus caractérisé. Ce triste constat suffit à lui seul à conclure que
l’école de la République est en crise et j’ajouterais, depuis trop longtemps.
Les moyens humains et financiers consacrés à l’école ne sont pourtant pas négligeables,
diront certains. Alors, à qui la faute ? Peu importe ai-je envie de dire…, j’aurai l’occasion
d’y revenir au cours de nos débats.
Le moment est d’abord venu d’entamer la Refondation de l’école, de revenir aux
fondamentaux, d’avoir des objectifs à la fois ambitieux et raisonnables, de permettre à
l’école de renouer avec son rôle et sa mission d’ascenseur social et de transmission des
connaissances, des savoirs et des valeurs républicaines.
Pour y parvenir, monsieur le ministre, mes chers collègues, il faut entrer dans le concret :
celui du fonctionnement d’une école, celui de la vie quotidienne d’une classe, ou encore
celui de la relation à la fois complexe et merveilleuse qui s’établit entre le maître et
l’élève… Faut-il le rappeler, ici, cette relation est fondée sur la transmission et l’échange.
Dans la pratique, et dans le meilleur des cas, ses deux principaux acteurs, le maître
comme l’élève, reçoivent et aucun ne doit y perdre. Cette relation, si elle est bien
construite, est irremplaçable et aucune technologie ne pourra s’y substituer.
Aussi, l’école a-t-elle, d’abord et avant tout, besoin d’enseignants en nombre suffisant et
dotés d’une solide formation.
Ce métier même parmi les plus beaux est un métier qui s’apprend : n’est pas pédagogue
qui veut ! En effet, si la pédagogie a longtemps été définie comme l’art d’éduquer, elle
est devenue une science (celle de l’éducation) qui rassemble les méthodes et pratiques
d’enseignement et d’éducation, ainsi que toutes les qualités requises pour transmettre un
savoir ou un savoir-faire. En un mot il est nécessaire d’APPRENDRE à apprendre !
C’est pourquoi, aucune refondation de l’Ecole ne sera possible sans le concours et
l’engagement des enseignants : leur responsabilité est ici immense. Leur formation doit 2
être professionnalisée et à la hauteur des enjeux, leur métier revalorisé aux yeux de la
société, tout comme leurs salaires qui doivent refléter la confiance et les attentes très
fortes que nous mettons en eux.
Nous devons reconstituer un corps d’enseignants motivés, responsabilisés, engagés et
soutenus financièrement et moralement, des enseignants qui aiment leur métier et qui,
tout simplement, croient en leur mission quotidienne au service des élèves et de la
République !
Les nouvelles Écoles Supérieures du professorat et de l’éducation, les ÉSPÉ, devront
jouer un rôle clé dans le nouveau dispositif puisqu’elles auront la noble charge de former
et de préparer tous les enseignants de la maternelle à l’université, ainsi que le personnel
d’éducation. Elles contribueront aussi à la formation continue pour adapter les méthodes
d’enseignement et les connaissances aux évolutions de la société.
La Refondation de l’école passe par la priorité donnée à l’école maternelle et à la l’école
élémentaire. Bien des choses se jouent, en effet, dans l’apprentissage des savoirs et la
transmission des valeurs dès les premiers pas de la scolarisation ! Nous partageons,
Monsieur le Ministre, votre volonté de développer la scolarisation, dès 2 ans, alors que
celle-ci a fortement chuté en dix ans, son taux passant de 35 à 11 %.
Sans passer en revue l’ensemble des moyens en question (la discussion des
amendements sera l’occasion d’entrer dans le détail), je souhaiterais insister toutefois
sur certains choix qu’il convient de faire.
J’évoquerais, d’abord, l’aide personnalisée aux élèves en difficulté qui doit être revue
car on ne peut pas continuer à la dispenser pendant la pause du déjeuner, ou tôt le
matin ou encore tard le soir, c’est-à-dire, à des horaires incompatibles avec l’attention et
la concentration.
Autre décision incontournable : les RASED, réseaux d’aides spécialisées aux enfants en
difficulté. Ils doivent absolument être rétablis.
Autre point : la révision des programmes. Elle doit s’accompagner de l’instauration d’un
vrai parcours d’éducation artistique et culturelle, tout comme le renforcement de la
place du sport à l’école. Art et culture participeront, ainsi, aux côtés des autres matières,
d’une meilleure transmission des connaissances essentielles pour la réussite éducative
et, plus encore, pour le vivre ensemble. 3
L’école de la République doit assurer la transmission d’un capital culturel de base, lequel
fait aujourd’hui défaut à une grande majorité d’élèves qui se retrouvent fortement
distancés par ceux qui acquièrent ces connaissances, grâce à leur entourage familial.
Enfin, je partage, Monsieur le Ministre, votre objectif de mise en place d’un service
public de l’enseignement numérique renforçant l’offre pédagogique. Il s’agira,
notamment, de permettre aux élèves en situation de handicap et à ceux qui ne peuvent
être scolarisés de se rapprocher de l’école, de bénéficier de ressources adaptées afin de
tendre vers une école réellement inclusive. Ce service devra constituer un plus, sans
venir se substituer à l’enseignement classique ! Et, comme je l’ai indiqué, le fondement
de l’apprentissage doit reposer avant tout sur la relation entre l’enseignant et l’élève et
ses pairs.
Avant de conclure, et parce que nous sommes au Sénat, je souhaite dire quelques mots
du rôle clé joué par les collectivités territoriales dans notre système éducatif et,
particulièrement, celui des communes, puisque l’on parle de l’école primaire, mais aussi,
celui des départements et des régions pour le secondaire. Chacun sait, ici, que
l’ensemble de ces collectivités s’investissent autant qu’elles le peuvent dans l’éducation.
C’est pourquoi, je salue la création du fonds en faveur des collectivités, pour
accompagner la mise en place de la réforme. Pourtant, Monsieur le Ministre, il faut leur
laisser du temps pour qu’elles s’organisent. Je pense à la réforme des rythmes scolaires.
Le temps passé à l’école, par les enfants, doit être un temps d’apprentissage de qualité,
aménagé sans précipitation et avec les moyens nécessaires. Attention aux inégalités
territoriales car toutes les communes n’ont pas les moyens de faire face de la même
façon. Le risque est grand que les enfants ne soient pas logés à la même enseigne en
fonction de leur lieu de résidence.
Monsieur le Ministre, j’ignore à ce stade si le Sénat approuvera votre projet de loi
amendé par notre commission Culture, Education et Communication. Pour ma part et
avec la majorité des membres du RDSE, nous l’espérons…, même si nous pensons que
le texte peut encore être amélioré et c’est, d’ailleurs, la raison pour laquelle nous avons
déposé près de 80 amendements que nous vous présenterons en séance.
En tout cas, vous savez pouvoir compter sur les Radicaux de gauche pour soutenir
l’Ecole de la République, une école publique et laïque de qualité, et lui permettre de
retrouver toute sa place dans la préparation de l’avenir de notre pays. Combattre la
grave crise morale que traverse notre pays c’est aussi redonner force et vigueur à notre
école. C’est en refondant l’école que nous redonnerons espoir en la jeunesse !